dimanche 16 décembre 2012

Ils étaient quatre - Kathleen Lavoie - Le Soleil - cyberpresse.ca

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Le vendredi 25 novembre 2005



Noir Désir en des jours meilleurs. De sa prison française, Bertrand Cantat s’est beaucoup impliqué dans la réalisation du « live ». « Ça nous a beaucoup rassurés sur sa santé de le voir s’investir de cette manière. Il n’a pas écouté ça l’œil dans le vague », relate le musicien Denis Barthe.

Ils étaient quatre - Kathleen Lavoie - Le Soleil
Noir Désir, c’est le plus grand groupe rock français et 25 ans de production musicale exemplaire. Mais depuis juillet 2003, Noir Désir, c’est aussi le synonyme d’une des plus troublantes tragédies des dernières années. Cette plaie béante, cette large écorchure dans la biographie d’un groupe admiré pour son intégrité et son refus du compromis constituera-t-elle son chapitre final ?
Cette question, on ne la croyait pas possible avant l’été 2003, la triste saison marquée par le drame de Vilnius, cette ville de Lituanie où l’actrice Marie Trintignant a trouvé la mort par la main de son compagnon Bertrand Cantat, le charismatique chanteur du groupe Noir Désir.
Malgré un verdict de culpabilité qui a vu ce dernier écoper d’une peine de huit ans de prison, l’onde de choc subsiste toujours deux ans après la tragédie. Entre les recours au civil intentés par la famille Trintignant, le livre-choc (Méfaits divers) publié par Xavier, le frère de Bertrand, les drames de trois familles brisées, dont celle de Noir Désir, et l’acharnement des médias français, la poussière ne semble pas vouloir retomber.
En marge, les trois quarts restants de la formation bordelaise, Serge Teyssot-Gay (guitare), Jean-Paul Roy (basse) et Denis Barthe (batterie), ont continué d’exister en silence, malgré leur propre souffrance. Il a fallu l’achèvement d’un projet amorcé avant Vilnius, le live En public, pour que les trois compagnons reprennent la parole au nom de Noir Désir.
Années terribles
« On va mieux, rassure aujourd’hui Denis Barthe. On a passé deux ans terribles où l’on s’est retrouvé dans une histoire qui n’est pas la nôtre. Pour la première fois de l’histoire de Noir Désir, on a eu à subir la presse à scandale. Jusque-là, on avait toujours réussi à tracer notre chemin sans elle. Sans être contraints, on a subi des choses désagréables. Heureusement, quand Bertrand a été jugé et a été rapatrié en France, on a pu se voir tous les quatre librement. »
C’est lors d’une de ces rencontres que les quatre musiciens se sont entendus pour compléter En public, un disque témoignant de la tournée Des visages, des figures, leur magnifique album de 2001. Une soixantaine de représentations avaient été enregistrées en vue de ce disque, qui est sorti en septembre sous la forme de deux éditions, la première, limitée, de 24 titres, et l’autre, de 15 chansons. Un DVD devrait également paraître le 24 janvier.
« Deux choses pouvaient se passer avec ce live, dont on est d’ailleurs très fiers. Soit il ne voyait pas le jour, ce qui aurait été courber l’échine, soit on se tournait vers quelque chose de positif en revenant à notre propos premier, qui est la musique, se souvient Denis Barthe. Ce qui s’est passé est incompréhensible et impardonnable, mais Bertrand ne l’a pas fait parce qu’il est quelqu’un d’horrible... Et s’il fallait que ce disque soit le point final de l’aventure Noir Désir, ce serait au moins positif. »
En refaisant surface, le groupe savait qu’il se ferait accuser de profiter de la situation à des fins mercantiles. Depuis le début des événements de Vilnius, les tabloïds n’ont pas manqué de les inclure dans la sordide affaire. Leur retour sur disque ne ferait pas exception.
À cet égard, le batteur ne manque pas de rappeler que le groupe divise ses recettes en quatre parts et que celle revenant à Bertrand va directement dans un compte bloqué destiné à indemniser les quatre enfants de Marie Trintignant.
« Depuis le début de cette histoire, la presse a été terrible, mais le public, pas du tout. Nous n’avons reçu aucune lettre d’insultes. Tout ça a été monté par la presse. C’est elle qui a prétendu que les gens retournaient leurs albums, ce qui est totalement faux. Nous, ça nous surprenait... Si on a rencontré des journalistes qui dérapaient trop sur l’histoire de Bertrand, ça n’a jamais été le cas avec le live. On n’a pas vu de gens agressifs ou hostiles. Quand on a pris la décision de sortir l’album, on a pensé aux retombées qu’il pourrait y avoir. On savait que ça pourrait relancer la presse à scandale. »
En même temps, les trois musiciens ont jugé qu’il était temps de refaire sa place à la musique de Noir Désir.
« Pendant deux ans, on a gardé le silence pour respecter le deuil de la famille Trintignant et la douleur de la famille Cantat. On s’est dit que tout était tassé, revenu à la normale, bien que ce ne sera plus jamais normal. On était au moins revenu à une situation plus calme et sereine. Les esprits étaient apaisés de tous les côtés. Les gens ont compris que Bertrand avait été jugé, qu’il avait accepté sa peine et qu’il avait commencé à la purger. C’est important que les gens sachent que là-bas, il n’a pas de passe-droit, pas de quartier V.I.P., pas d’avantages sur les autres détenus. Il est en train de payer pour le crime qu’il a commis. »
La revanche de la presse à scandale
Cette spectaculaire chute du héros Cantat, le défenseur des SDF et des sans-papiers, le pourfendeur de la mondialisation et de ses effets pervers sur l’industrie de la musique, donnait à la presse people française sa plus belle revanche sur Noir Désir, une formation qui n’a jamais voulu jouer son jeu.
« L’occasion était trop belle. Ça faisait 25 ans qu’on disait qu’on n’avait pas besoin de la presse poubelle. On ne s’en occupait pas. On n’a jamais voulu manger de cette soupe-là. L’occasion était belle de nous faire payer l’addition. Pour eux, c’était énorme. Une énorme affaire lucrative. Ces gens-là ne se soucient pas des familles, des gens proches. Pire, toute cette presse-là se moque aujourd’hui des femmes battues... » laisse entendre un Denis Barthe visiblement amer.
Aussi, les trois musiciens ont maintenu leur ligne habituelle quand est venu le temps de promouvoir En public, soit de n’accorder que quelques entrevues à des médias choisis, mais aucune télé. Le jour où ils y réapparaîtront, ils seront à nouveau quatre.
La démocratie a toujours été un principe important au sein de Noir Désir et continue de prévaloir par-delà les murs du Centre de détention de Muret, où Bertrand Cantat est détenu. C’est aussi là qu’il a approuvé les bandes d’En public.
« Nous avons eu l’autorisation du ministère de la Justice. On a pu le rencontrer deux fois dans le cadre de visites un peu plus prolongées. On lui a fait écouter les mixes. Il a participé, donné ses commentaires. Ça nous a beaucoup rassurés sur sa santé de le voir s’investir de cette manière. Il n’a pas écouté ça l’œil dans le vague... On a donc décidé de ce qu’il y a sur le CD à quatre. Pour ce qui est du travail intérieur de la pochette, c’était un peu plus compliqué. »
En dehors de ces instants volés, Noir Désir n’existe plus que de nom. « On n’a plus fait de musique ensemble. C’est triste dans le local de répétition sans Bertrand... », explique Denis.
De son côté, le batteur vient de signer avec Jean-Paul Roy la musique du film Enfermés dehors d’Albert Dupontel.
« Serge, lui, a enregistré son album à la maison. Ça reste des histoires de famille, même si on ne se retrouve jamais tous les trois ensemble. Après, rien n’est impossible. (…) Ce qui est certain, c’est qu’on ne sortira pas de fonds de tiroir de Noir Désir et qu’on ne fera rien sur scène sous le nom de Noir Désir sans Bertrand. »
L’avenir n’est donc pas totalement joué pour Noir Désir. Denis Barthe le premier souhaite un retour du groupe.
« Après les deux ans qu’on vient de passer, on ne peut qu’être optimiste, même s’il y a beaucoup de choses qu’on entrevoit qu’au conditionnel. Tant qu’on ne sera pas tous les quatre autour d’une même table, sans les murs pour nous écouter, on ne prendra pas de décision. Cela dit, l’envie de refaire quelque chose ensemble est là. Il n’y en a pas un d’entre nous qui n’a pas envie de refaire un album ou un spectacle. Est-ce que ce sera possible avec la vie que nous ferons les médias en France ? Est-ce que Bertrand sera capable de vivre dans la tranquillité ? Seul l’avenir le dira... »

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