dimanche 16 décembre 2012

Noir Désir a-t-il un avenir? - cyberpresse.ca

Vu sur http://www.cyberpresse.ca/, le dimanche 04 décembre 2005


Photo fournie par Umusic

Noir Désir a-t-il un avenir?
Philippe Renaud- La Presse -Collaboration spéciale

Le 27 juillet 2003 restera à jamais gravé dans la tête de Denis Barthe. Ce soir-là, son ami, son collègue de travail depuis près de 25 ans, Bertrand Cantat, a tué Marie Trintignant dans des circonstances que s'est efforcée de clarifier la justice lituanienne. Au printemps 2004, le tribunal de Vilnius- où se sont produits les tragiques événements- a condamné le chanteur de Noir Désir, héraut du rock alternatif français, à huit ans de prison. Les fans sont consternés, la presse française médiatise la tragédie «à outrance».
Les membres de Noir Désir- le guitariste Serge Teyssot-Gay, le bassiste Jean-Paul Roy et Barthe le batteur- sont devenus des «victimes collatérales» des gestes du leader de leur formation. Aux yeux de nombre d'observateurs français, la tragédie sonnait le glas de «Noir Dez». Mais deux ans plus tard, la poussière enfin retombée, le groupe lance Noir Désir en public, l'album qui pourrait bien être leur chant du cygne. Le batteur Denis Barthe affronte à nouveau la presse pour défendre cet enregistrement de la tournée Des Visages, des figures.
Barthe et ses collègues ont déjà dû subir les inquisitions de la presse généraliste française en marge de la couverture du procès de Cantat. Le musicien savait bien, en acceptant d'accorder à nouveau des entrevues, que les journalistes seraient plus intéressés par la tragédie que par la musique. Soyons clairs: ça prend des couilles pour se lancer dans une telle campagne de promotion.
Au bout du fil, la voix de Barthe est ferme, somme toute assez enjouée. La sortie de Noir Désir en public, explique-t-il, lui permet «d'entrevoir ne serait-ce qu'un petit rayon de lumière» qui lui fait dire: «Vous voulez voir ce qu'était, ce qu'est et ce que sera peut-être encore Noir Dez? Alors, on va vous montrer Noir Dez sur scène. On ne va rien cacher, rien occulter. On ne coupera pas les scènes de violence, les scènes de chamanisme, on coupera pas non plus les erreurs. On se montre tel qu'on est, à poil.»
L'album était déjà en chantier lorsque les tristes événements sont survenus. Les membres l'ont mis sur la glace, en espérant pouvoir y revenir. «De notre histoire, ç'aurait été la première chose qu'on n'aurait pas fini. Après tout ce qu'on a vécu d'horrible au cours des deux dernières années, il nous fallait trouver quelque chose de positif, et revenir à notre propos premier, la musique.»
«On en avait assez de tout ce cirque qui a nourri des médias peu scrupuleux», poursuit Barthe. La presse people a laissé un goût amer dans la gorge du batteur, qui se noue lorsqu'il en parle. «L'histoire était horrible, mais très simple. Pas nécessaire d'en faire toute une affaire, voilà.» Une affaire qui, aux yeux des membres de Noir Dez, a pris l'allure d'une «charia» contre le groupe dans la presse française.
«Nous avions été clairs dès le départ, insiste Barthe. On n'a pas trouvé d'excuses à Bertrand. On n'a pas cherché à minimiser la portée de son geste. On a laissé les enquêtes policières se faire, on a laissé les journalistes poser leurs questions, parce qu'on savait très bien qu'on n'avait rien à cacher, ni à se reprocher.» Mais lorsqu'il ajoute que «nous sommes tous faillibles et mortels», on comprend, à travers les réclamations du musicien, qu'après le choc, ils se sont tous dit qu'eux-mêmes ne sont pas à l'abri d'un tel dérapage.
«Mais jamais nous n'aurions pensé que l'un d'entre nous puisse commettre un tel acte. On se connaît, on connaît Bertrand, et on sait très bien que ce n'est pas quelque chose qui est ancré profondément dans son caractère. On sait très bien que c'est une suite d'événements qui a mené à ça. Que la passion est destructrice, que la jalousie est très dure et qu'elles peuvent conduire à l'irréparable. Malheureusement, des histoires comme celle de Marie et Bertrand, y'en a tous les jours, bien qu'on n'en entende pas toujours parler. S'aimer à se détruire, c'est malheureusement quelque chose qui fait partie de la vie. Je suis d'accord avec toi, ça ne devrait pas arriver. Mais malheureusement, on loge à la même enseigne que tout le monde.»
Une sortie bienfaitrice
En voulez-vous à Cantat qui, par ces gestes, a entaché l'image du groupe, formation rock engagée, altermondialiste, près de ses fans? Croyez-vous que les dommages soient irréparables pour la légende Noir Désir? «Je n'en sais trop rien. Je peux seulement dire qu'on souffle un peu depuis la sortie du disque live.»
Les fans n'ont sûrement pas oublié, mais ils sont en mesure de faire la part des choses. Lors de la sortie de l'album, les médias ont couvert avec beaucoup de pudeur l'événement. Plus de deux mois après sa parution, plus de 200 000 exemplaires de l'album se sont vendus en France. Le site Web du groupe, qui avait été fermé depuis deux ans, a été rouvert, et les fans ont favorablement réagi à la sortie du disque.
«On a été surpris des ventes. Ça nous a rassurés. Ça faisait quand même deux ans que la presse était hostile envers nous. Plusieurs gens de notre entourage partageaient nos problèmes en nous disant que ce ne serait pas facile... Le fond de l'histoire n'est pas discutable, mais en même temps, plusieurs fans étaient rassurants, et pleins de compassion.»
La décision de lancer l'album s'est prise à quatre, une fois que Cantat a été renvoyé en France et que les membres ont pu le rencontrer en prison. «Tous les membres du groupe, on se relaie. On lui rend visite une fois par mois.» Denis Barthe admet cependant que l'avenir du groupe est difficile à entrevoir.
«Là, on est obligé d'attendre qu'il sorte de prison. On va se voir, on va discuter comment on peut entrevoir l'avenir. Mais c'est sûr que l'envie de faire quelque chose tous ensemble est encore là. Y'a pas un des membres du groupe qui n'ait pas envie de remonter sur scène et de refaire un album. Après ça, est-ce que ce sera possible? Ça, je n'ai pas la réponse.»
«Pour la première fois depuis la création de Noir Désir, je ressens un manque. Celui de jouer sur scène, de créer. Pendant un bon moment, je me suis questionné: est-ce que je continue ou j'arrête?» Denis Barthe a choisi de continuer, en solo. Il vient de terminer la réalisation du nouvel album des Têtes raides. Il travaille présentement aux maquettes de son premier album. «J'espère qu'il sera lancé à l'automne 2006», dit-il d'une voix encourageante.
 

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